L’essor du Suprême Conseil du 33eme degré en France (1821-1862)

Au sommaire de cette page :

1 – Le Suprême Conseil pour la France s’organise en Juridiction et Grande Loge Centrale de France
2 – La Monarchie de juillet
3 – La deuxième République
4 – Le second empire

 

1 – Le Suprême Conseil pour la France s’organise en Juridiction et Grande Loge Centrale de France

 

En 1821, le Suprême Conseil pour la France reprend force et vigueur et met en œuvre, dans le cadre de ses statuts du 3 septembre 1818, une véritable réorganisation du rite  sur les plans administratif, financier et organisationnel.

S’agissant de l’organisation, les décrets du 7 et 21 mai portent « provisoirement » le nombre des membres du Suprême Conseil à 21 (dont 9 ex-membres du Suprême Conseil d’Amérique[2]), puis à 27. Par suite des dispositions de ces décrets, le Suprême Conseil se trouve et demeure composé ainsi qu’il suit :

MEMBRES ACTIFS

  • Comte de VALENCE[3] Grand Commandeur
  • Comte de SÉGUR             Lieutenant Grand Commandeur
  • Comte MURAIRE             Secrétaire du Saint-Empire[4]
  • Comte de FERNIG             Secrétaire du Saint-Empire[5]
  • Baron FRÉTEAU-de-PENY             Grand Trésorier du Saint-Empire
  • Claude Antoine THORY Grand Trésorier du Saint-Empire
  • Comte de LACÉPÈDE Grand Maître des cérémonies
  • Baron THIÉBAULT             Grand Maître des cérémonies
  • Baron de TINAN Grand Capitaine des gardes
  • Colonel CHAMEAU             Grand Capitaine des gardes
  • Comte RAMPON Grand Hospitalier
  • Comte TILLY Grand Hospitalier
  • Comte BELLIARD             Grand Porte-étendard
  • Comte GUILLEMINOT Grand Porte-étendard
  • Baron BACCARAT             Grand Porte-glaive
  • Comte CLÉMENT de RIS
  • Chevalier CHALLAN
  • Comte LAUGIER-VILLARS
  • Baron DESFOURNEAUX
  • Comte MONTHION
  • Claude André VUILLAUME

LISTE SUPPLÉMENTAIRE du 21 mai 1821 (avec voix délibérative), la plupart S.C.A.,

  • Général Baron ROSTOLLAND
  • Lieutenant-Général Comte FRÈRE
  • Jean Savinien GAILLARD
  • Général Baron DURIEU
  • Baron LAMBERT
  • Lieutenant-Général Comte LUCOTTE

LISTE SUPPLÉMENTAIRE du 6 juin 1821

  • Duc de CHOISEUL-STAINVILLE (arrêté N°XXIII du 6 juin 1821, pour remplacement d’un absent)

LISTE SUPPLÉMENTAIRE du 20 juin 1821

  • Maréchal MORTIER, duc de TRÉVISE
  • Vice-Amiral Comte VERHUEL

Ce Suprême Conseil comprend 8 pairs de France, 24 nobles et autant de titulaires de la Légion d’honneur.

 

Est constituée, le 6 juin 1821, la Loge de la Grande Commanderie regroupant tous les Souverains Grands Inspecteurs Généraux ainsi que « les autres maçons écossais qui, par leurs grades, leurs services et autres considérations majeures, obtiendront la faveur d’y être admis. ». Le 29 juin, est célébrée au sein de cette Loge, sous la présidence du Grand Commandeur – Grand Maître comte de Valence, une pompe funèbre à la mémoire des T.Ill.FF. :

  • François Kellermann, duc de Valmy, pair et maréchal de France,
  • François-Joseph Lefèbvre, duc de Dantzig, pair et maréchal de France,
  • Marquis de Beurnonville, pair et maréchal de France,
  • André Masséna, duc de Rivoli, prince d’Esling, maréchal de France,
  • Dominique de Pérignon, pair et maréchal de France,
  • Jean Pascal Rouyer, général baron,
  • Charles Jean Louis Toussaint d’Aigrefeuille, chevalier,
  • Jean Baptiste Pierre Julien Pyron de Chaboulon,

La Loge de la Grande Commanderie porte le N°1. Elle est riche de soixante trois membres en 1821 et susceptible d’être portée à 81 membres sans pouvoir dépasser ce nombre. La loge se réunira tous les troisième lundi du mois et sera chargée d’assurer les réceptions jusqu’au 29e degré inclusivement.

 

Un décret du 21 septembre prévoit de délivrer aux membres du Suprême Conseil, un certificat d’activité et une vignette particulière qui sera un aigle à deux têtes, les ailes ouvertes, tenant dans ses serres une épée antique sur laquelle est posé un large ruban formant légende avec cette devise : DEUS MEMQUE JUS ; au dessus de l’aigle, en exergue demi-circulaire, ces mots : SUPRÊME CONSEIL DU 33e DEGRE, POUR LA FRANCE.

 

Le Très Puissant Souverain Grand Commandeur, Jean-Baptiste-Cyrus de Timbrune de Thiembronne, comte de Valence, meurt à Paris le 4 février 1822. Le comte de Ségur lui succède le 12 février 1822 et le duc de Choiseul-Stainville est élu et proclamé Lieutenant Grand Commandeur. Tous deux seront intronisés et installés le 5 mars 1822.

timbrune-de-thiembronne
Jean-Baptiste-Cyrus Adélaïde de TIMBRUNE de THIEMBRONNE, comte de VALENCE Grand Commandeur-Grand Maître du Suprême Conseil pour la France (1821-1822)

Par décret du 12 juillet 1822, la Loge de la Grande Commanderie est constituée en Grande Loge Centrale de l’Ordre maçonnique du Rit Écossais Ancien et Accepté pour la France, plus généralement appelée Grande Loge Centrale de France. Elle est présidée par le Commandeur « lorsqu’il le juge convenable » et le Lieutenant Commandeur en est le Vénérable de droit. Les membres effectifs sont au nombre de quatre-vingt-un, dont vingt-sept dignitaires (les vingt-sept membres du Suprême Conseil, dont douze sont qualifiés « premiers grands dignitaires ») et cinquante-quatre Grands Officiers en exercice. La Grande Loge Centrale de France est investie des attributions, droits et pouvoirs sur  tous les ateliers jusqu’au 32e degré, dans les limites posées par le Suprême Conseil. Elle est divisée en trois sections, 1er au 18ème degré, 19ème au 32ème degré et section d’administration. Chaque atelier a le droit de nommer un député près de cette Grande Loge avec la possibilité de faire des propositions et des réclamations, et le devoir de veiller à l’intérêt des ateliers dont ils sont mandataires.

Au cours de cette année 1822, neuf nouveaux ateliers sont constitués.

 

En 1825, le comte de Ségur, âgé de 72 ans, démissionne de ses fonctions de Grand Commandeur et Grand Maître, en raison de son état de santé. Le duc de Choiseul[6] lui succède avec le comte Muraire comme lieutenant. La même année, cinq nouveaux ateliers sont constitués.

Louis – Philippe, comte de SÉGUR Grand Commandeur-Grand Maître du Suprême Conseil pour la France (1822-1825)
Louis – Philippe, comte de SÉGUR Grand Commandeur-Grand Maître du Suprême Conseil pour la France (1822-1825)

Le 20 octobre 1826, le Suprême Conseil agrège le Très Illustre Frère Jean-Pons Guillaume Viennet[7], homme de lettres et ancien officier, en qualité de Membre actif et Secrétaire du Saint-Empire pour conjointement et supplétivement en remplir les fonctions avec le Très Illustre Frère comte de Fernig.

 

Le décret du Suprême Conseil N°LXX du 16 juin 1827, présenté comme un Règlement général, apporte des compléments et précisions sur l’organisation et le fonctionnement administratif, financier et maçonnique de la Grande Loge Centrale de France qui comprend désormais cinq sections :

  • 1ère section : trois premiers grades symboliques,
  • 2ème section : collèges, conseils et chapitres, du 4e au 18e degré inclusivement,
  • 3ème section : conseils, cours et aréopages du 19e au 30e degré inclusivement,
  • 4ème section : grands inspecteurs inquisiteurs du 31e degré,
  • 5ème section : souverains princes du Royal secret, 32e degré,

 

En 1829, le Suprême Conseil met en application dans ses Loges symboliques ses premiers rituels, « R.É.A.A. – Rituel des trois premiers degrés selon les anciens cahiers – 5829 »[8]. Il faut se souvenir que jusqu’en 1821, les Loges symboliques du Rite Ecossais Ancien et Accepté fonctionnaient conformément au concordat de 1804 c’est-à-dire sous l’égide du Grand Orient de France et on peut le supposer avec le rituel intitulé « Guide du maçon écossais[9] » ou équivalent. Le nouveau rituel de 1829 a ensuite été transmis par des générations de Francs-maçons d’abord sous les auspices du Suprême Conseil pour la France jusqu’à la fin du XIXe siècle, puis de la Grande Loge de France (G.L.D.F.) jusqu’à ce jour, et cela avec plus ou moins d’évolutions. La Grand Loge Nationale Française (G.L.N.F.), après avoir hérité du R.É.A.A. en 1965, l’a retenu comme élément de base de son premier rituel du R.É.A.A. (dit « Cerbu ») à partir de janvier 1973. La Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française (G.L.-A.M.F.) a fait de même lors de sa création en 2012.

 

2 – La Monarchie de juillet

 

L’année 1830 est particulièrement animée au plan politique. Elle marque la fin de la Restauration et le début de la Monarchie de juillet dans un climat révolutionnaire. La branche cadette des Bourbons, la Maison d’Orléans, accède au pouvoir avec Louis Philippe 1er. Les Francs-maçons français (au total environ 7000 membres) sont partagés et de nombreux membres du Suprême Conseil, monarchistes libéraux, soutiennent l’avènement de Louis-Philippe et la Monarchie de juillet, en particulier le général marquis de Lafayette[10] qui s’était illustré dans la guerre d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique avant de s’impliquer dans la politique française. Le 16 octobre 1830 une grande fête est organisée à l’Hôtel-de-Ville en liaison avec le Grand Orient de France, en l’honneur justement du général Lafayette. Le Frère Lafayette reçoit des mains du Président Choiseul un cordon d’honneur portant l’inscription suivante : Les maçons des deux rites à leur illustre Frère, le général Lafayette – 10 octobre 1830.

Général marquis de LAFAYETTE
Général marquis de LAFAYETTE

Le 23 février 1834, le Suprême Conseil contracte à Paris, le premier Traité d’union, d’alliance et de confédération maçonnique[11] entre des Suprêmes Conseils Écossais, plus précisément avec le Suprême Conseil du Brésil et le Suprême Conseil Uni de l’Hémisphère Occidental[12]. Celui de la Belgique rejoindra cette alliance le 5 mars 1835. Il y est notamment rappelé, d’après les Grandes Constitutions de 1786, qu’un seul Suprême Conseil peut exister dans un même pays ; qu’aucune Puissance du Rite Écossais Ancien et Accepté ne peut se fondre dans une Puissance d’un autre Rite sans perdre son indépendance, son autorité, jusqu’à son existence. Ce traité tout en proclamant formellement la reconnaissance des Grandes Constitutions, Instituts, Statuts et Règlement généraux du R.É.A.A., insiste sur le maintien des dogmes, principes et doctrines de l’Écossisme, le maintien de l’indépendance et de l’intégrité de chaque Suprême Conseil, la nécessité de rétablir et de faire respecter l’ancienne discipline de l’Ordre ainsi que la protection des vrais et fidèles maçons. Il insiste également sur la défense mutuelle contre toute association maçonnique irrégulière, et la surveillance dans le choix des candidats aux divers grades y est particulièrement recommandée. Enfin, il inaugure l’échange de Grands Représentants entre les divers Suprêmes Conseils et proclame qu’il sera bon de réunir tous les cinq ans, les délégués des Suprêmes Conseils alliés.

 

Dans sa séance du 26 février 1834, le Suprême Conseil accepte la démission sollicitée par le comte Muraire de sa fonction en raison de son grand âge (84 ans) et le nomme membre honoraire avec le titre de Très Puissant Souverain Grand Commandeur Honoraire. Le baron Fréteau de Peny lui succède à son poste de Lieutenant Grand Commandeur. Toujours en 1834 le Suprême Conseil voit disparaître, le 20 mai, un de ses membres les plus prestigieux en la personne du T.Ill.F., général marquis de Lafayette.

 

Dans sa séance du 14 juin 1838, le Suprême Conseil accepte la démission du Lieutenant Grand Commandeur, le baron Fréteau de Peny et le nomme membre honoraire, avec le titre de Très Puissant Souverain Grand Commandeur honoraire. Son successeur est le général comte Armand Charles Guilleminot[13]. Le 24 juin, est célébrée solennellement la fête d’Ordre de la Saint Jean d’été, en l’honneur de l’installation du duc Decazes[14], nouveau Grand Commandeur-Grand Maître du Suprême Conseil, suite à la démission du duc de Choiseul pour raisons de santé. Ce dernier décèdera à Paris le 1er décembre1838.

 

En 1839, le Suprême Conseil compte respectivement, selon l’ « État officiel  des ateliers, du Grand-Orient de France et du Suprême Conseil pour la France », établi par le Très Illustre Frère Théodore Juge[15], officier du Grand-Orient de France :

  • Un Suprême-Conseil du 33e degré,
  • Un Grand-Conseil du 32e degré,
  • Deux Grand-Conseil (ou Tribunal) du 31e degré (un à Paris et un à Dunkerque),
  • Trois Grand-Conseil (ou Aréopage) du 30e degré (un à Paris, un à Dunkerque et un à Haïti),

(Les quatre Conseils, qui siègent à Paris, ainsi que la Grande-Loge centrale, donnent seuls les degrés pour lesquels ils sont établis. Ils forment donc le noyau de son administration).

Il possède en outre :

  • Six chapitres du 18e (deux à Paris, trois dans les départements et un à l’étranger),
  • Dix-neuf loges symboliques (douze à Paris ou dans sa banlieue, quatre dans les départements et trois à l’étranger),

Soit au total, trente-deux ateliers en activité.

Il compte encore deux chapitres du 18e en sommeil, à Paris, et une loge symbolique en sommeil, à Dieppe. Ce qui porte à 35 les ateliers de son obédience, tant en activité qu’en non-activité.

 

Sur les tableaux figurent enfin les noms de 46 grand-inspecteurs généraux ou 33e            degré, de 10 princes du royal secret ou 32e degré, de 5 grands-juges-commandeurs ou 31e degré, et de 42 chevaliers grands-élus kadosch, ou 30e degré.

 

Les alliances du Suprême Conseil sont, à l’étranger :

1° Le Suprême-Conseil de Belgique, séant à Bruxelles ;

2° Le Suprême-Conseil uni pour l’hémisphère occidental séant à New-York ;

3° Le Suprême Conseil pour l’empire du Brésil, séant à Rio-de-Janeiro.

 

De son côté, le Grand-Orient de France compte quatre-cents-soixante-six ateliers, tant en activité qu’en non activité, cinquante sept grands-inspecteurs généraux, 33e degré et deux-cents princes du royal secret, 32e degré. Ses alliances à l’étranger sont au nombre de douze, dont deux Suprêmes Conseils aux Etats-Unis et celui d’Irlande.

 

A diverses reprises, le Grand Orient de France avait interdit – par circulaire – aux maçons de son Obédience, d’assister aux réunions des Ateliers appartenant au « Suprême Conseil Écossais ». Après une nouvelle et inutile tentative de fusion, le Grand Orient permet à ses maçons de fréquenter les « Ateliers Écossais » et, à ses ateliers, de recevoir comme visiteurs les « maçons de l’Écossisme ». Les « inter-visites » sont en effet à nouveau autorisées tant à Paris qu’en province et le Très Illustre Frère général comte de Fernig, Grand Secrétaire du Saint Empire le rappelle indirectement à tous dans son rapport annuel à la Fête de l’Ordre du 27 décembre 1839[16].  Aux fêtes de l’Ordre 1841, célébrées le 24 décembre par le Suprême Conseil et le 27 décembre par le Grand Orient, les chefs des deux Obédiences reçoivent et acceptent de réciproques invitations, et les maçons des deux obédiences échangent leurs sentiments fraternels. A cet égard, c’est lors de la fête de l’Ordre pour la Saint-Jean d’été, le 29 juin 1841 que le Lieutenant Grand Commandeur comte de Fernig rappelle l’histoire des tentatives de rapprochement voire d’Union conduites par les deux Obédiences depuis plusieurs décennies[17].

 

Le 25 décembre 1842, à l’occasion de la fête de l’Ordre du solstice d’hiver, le duc Decazes, Grand Commandeur – Grand Maître se félicite de la situation du Rite[18]  qui a étendu ses relations à l’extérieur (notamment avec l’Allemagne et la Belgique), à l’intérieur, qui a créé des Chapitres et des Loges et pourvu aux indispensables nécessités des finances de l’Ordre. De son côté, le Frère Genevay donne lecture des Statuts et règlements que le Suprême Conseil a décrétés dans l’intérêt de l’Art Royal, pour la Grande Loge et qui rappelle dès l’introduction  « …qu’aux termes des grandes constitutions du 1er mai 1786 et du traité d’alliance du 23 février 1834, la puissance dogmatique et administrative lui appartient exclusivement… ». La Grande Loge Centrale, émanation du Suprême Conseil est divisée en trois sections :

  • La première section, symbolique (du 1er au 3e degré),
  • La deuxième section, Chapitrale (du 4e au 18e degré),
  • La troisième section, des hauts grades (du 19e au 32e degré).

 

En France, les libéraux réclament des réformes.  La crise économique et les scandales financiers discréditent le régime. La maçonnerie est quelque peu endormie malgré les efforts de la presse maçonnique. C’est ainsi que la « Revue maçonnique », prudemment, mais n’occultant pas toutefois  sa sympathie pour les théories socialistes, n’hésite pas à rappeler les fondements traditionnels de la maçonnerie que sont l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme. A l’opposé, d’autres articles défendent l’idée que la maçonnerie doit ouvrir les portes de ses temples à des hommes qui n’ont aucune idée religieuse. La plupart des livres maçonniques de cette époque se situent dans une lignée déiste. L’hostilité de l’église catholique est toujours vive et l’anti-maçonnisme a retrouvé une certaine vigueur.

 

En 1845 l’affaire des Loges de Prusse va quelques temps animer les maçonneries française et anglaise. Les nouveaux statuts et règlements des Loges de Prusse[19]  proscrivant comme Frères visiteurs de toutes les Loges de leurs dépendances tous les Frères non chrétiens, les maçons israélites sont exclus des Loges de Prusse. Le Suprême Conseil tente d’apaiser la situation. De Fernig, fait savoir à son Altesse royale le prince Frédéric-Guillaume-Louis de Prusse, héritier présomptif du trône, protecteur des trois Grandes-Loges, que les ateliers du Suprême Conseil, en représailles, pourraient ne plus recevoir les Maçons prussiens et le 25 avril 1845, Philippe Dupin[20] rédige, au nom du Suprême Conseil,  une adresse au prince Grand Maître de Prusse en faveur de ces maçons israélites. Le Grand Orient de France s’est également saisi de cette affaire, bien qu’un peu tardivement tandis que la Maçonnerie anglaise a réagi avec fermeté : le 22 juin, dans sa séance trimestrielle, elle vote la rupture des relations avec les loges prussiennes. Lors de la fête de l’ordre du 29 décembre 1846, le Grand Commandeur Decazes annonce que le Prince Grand Maître a paru ébranlé et a décidé de prendre le temps de la réflexion avant de changer sa détermination première. Il prendra en effet son temps puisqu’en 1861, l’affaire des trois Grandes Loges prussiennes ne sera toujours pas réglée !

 

La crise économique, sociale et politique qui sévit en France au milieu des années 40 conduit la monarchie de juillet à sa fin et dans les dernières années de celle-ci, le Grand Orient est débordé par l’agitation des loges républicaines, y compris en province.

 

3 – La deuxième République

 

Suite au décès du général comte de Fernig le 24 août 1847, le Suprême Conseil élève le T.Ill.F. Viennet, Secrétaire du Saint-Empire, à la fonction de Lieutenant Grand Commandeur. Les dirigeants du Suprême Conseil ne s’impliqueront pas dans la révolution de 1848, mais des maçons séduits par les idéaux républicains de démocratie et de justice sociale, réclament des réformes et plus de liberté pour les loges symboliques. Le 5 mars 1848, trois jours après l’instauration du suffrage universel par le gouvernement provisoire, la Loge nouvellement constituée « Le Patronage des Orphelins » n°112, à l’Orient de Paris, fait scission et annonce dans un long manifeste adressé à toutes les Loges « qu’elle se sépare du Suprême Conseil et fait appel à la création d’un nouveau Pouvoir qui, sous le titre de Grande Loge Nationale de France, consacrerait les vrais et éternels principes de la Maçonnerie ». Pierre Chevalier[21], précise que plusieurs dignitaires du Suprême Conseil ont signé un appel pour convoquer à Paris un Congrès, en vue de constituer cette autorité maçonnique nouvelle[22] destinée à mettre fin à la rivalité entre le Suprême Conseil de France et le Grand Orient de France. Tous ces novateurs souhaitaient plus d’autonomie pour les Loges, une indépendance complète dans le choix de leurs lois et règlements, leur souveraineté judiciaire totale, sauf appel à la Grande Loge Nationale de France en cas de demande d’exclusion d’un Frère. Les organisateurs de la dissidence sont radiés le 21 juillet 1848 ainsi que les Loges « Les Trinitaires » n°44 et « Les Commandeurs du Mont-Liban » n°16, qui ont rejoint la dissidence. Le Très Illustre Frère Jules Barbier, 33e, Orateur de la Grande Loge Centrale, est exclu. La nouvelle Grande Loge aura une durée de vie éphémère : non reconnue par les Obédiences officielles, elle sera interdite le 2 janvier 1851 par ordre du préfet de police Pierre Carlier, puis dissoute par son Vénérable, le marquis du Planty, le 14 janvier 1851[23].

 

4 – Le second Empire

 

Le Président Louis-Napoléon, en opposition avec l’assemblée conservatrice organise le coup d’état du 2 décembre 1851, abolit la deuxième République, se fait sacrer Empereur sous le nom de Napoléon III, impose une nouvelle Constitution le 14 janvier 1852, et met en place le second Empire. Le régime, d’abord dictatorial, va évoluer au fil des années vers une forme plus libérale. La vie de cour est brillante, la société française se transforme, la situation économique et sociale s’améliore en même temps que la révolution industrielle, et l’instruction publique est relancée. A Paris, l’Empereur engage la rénovation de la capitale avec le baron Haussmann, préfet de la Seine. Enfin à l’extérieur, le gouvernement impérial jette les bases d’un nouvel empire colonial qui devrait contribuer à renforcer la grandeur de la France. Mais la politique diplomatique de la France n’est pas à la hauteur. L’Empereur s’engage aux côtés du Royaume Uni dans une guerre éprouvante contre la Russie, il entraîne la France dans de graves déconvenues au Mexique et en Italie. Puis, poussé par l’opinion publique, elle-même manipulée par le chancelier Bismarck, il engage une guerre désastreuse contre la Prusse et les autres Etats allemands, ce  qui va en définitive lui coûter son trône en 1870. C’est dans cet environnement que va se poursuivre l’évolution de la Franc-Maçonnerie française, environnement qui contribuera à préparer au sein des Obédiences nombre des futurs leaders de la troisième République.

Louis napoleon bonaparte
Charles Louis Napoléon Bonaparte, dit NAPOLÉON III – Président de la République puis Empereur de la France

Le 9 janvier 1852, le sénat maçonnique du G.O.D.F. élève à la dignité de Grand-Maître le Prince Lucien, Charles, Joseph, Napoléon Murat, cousin de l’Empereur et Franc-Maçon[24]. Lucien Murat va faire régner pendant toute sa Grande Maîtrise, une véritable dictature conduisant à des démolitions et mise en sommeil de nombreuses Loges, à des radiations et suspensions de nombreux Frères. Sous sa grande maîtrise, le G.O.D.F. va péricliter et perdre une centaine de Loges. Depuis 1859, il s’est heurté à la majorité des Frères du G.O.D.F. à propos de l’unité Italienne et de sa position personnelle en faveur du pouvoir temporel du pape Pie IX.

 

Le Grand Commandeur – Grand Maître duc Decazes décède le 24 décembre 1860. Le T.Ill.F.  Jean–Pons Guillaume Viennet lui succède et c’est le T.Ill.F. Jean-Baptiste Guiffrey (dit Guiffray père)[25] qui devient Lieutenant Grand Commandeur.

Jean-Pons Guillaume VIENNET Grand Commandeur-Grand Maître du Suprême Conseil pour la France (1860-1868)
Jean-Pons Guillaume VIENNET
Grand Commandeur-Grand Maître du Suprême Conseil pour la France (1860-1868)

Le G.O.D.F. est plus que jamais dans une situation interne conflictuelle qui ne permet pas de trouver normalement un nouveau Grand-maître pour succéder au Prince Murat. C’est pourquoi l’Empereur en personne va prendre les choses en main. Napoléon III décide en effet de remettre de l’ordre dans l’Obédience et le 11 janvier 1862, il nomme un profane à sa tête :            « Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des français, (…)   Avons décrété et décrétons ce qui suit : Son Excellence le maréchal Magnan[26] est             nommé Grand-Maître du Grand-Orient de France. ».

Le nouveau Commandeur du Suprême Conseil va devoir faire face, en conséquence, à une situation très difficile d’attaque frontale par le G.O.D.F., plus précisément du nouveau Grand-Maître, le maréchal Magnan, successeur du Prince Lucien Murat. En effet, Magnan ne perd pas de temps ! Le 1er février 1862 il adresse un courrier au Grand Commandeur Grand Maître Viennet pour l’informer :

« Mon très cher et très illustre Frère,  l’Empereur, par décret du 11 janvier dernier,         m’a nommé Grand Maître de tous les Maçons de France….»

 

Maréchal Bernard Pierre MAGNAN Grand-Maître du Grand-Orient de France (1862- 1865)
Maréchal Bernard Pierre MAGNAN
Grand-Maître du Grand-Orient de France (1862- 1865)

C’est le début d’un bras de fer qui va opposer MAGNAN à VIENNET pendant quatre mois.

 

 

[2] S.C.A. = Suprême Conseil des îles du vent et sous le vent, dit d’Amérique, en exil en France depuis 1804.

[3] Jean-Baptiste Cyrus Adélaïde de TIMBRUNE de THIEMBRONNE, comte de VALENCE est né à Agen le 22 septembre 1757. C’est un général de la révolution française qui a commencé sa carrière dans l’artillerie. En 1786 il a épousé la fille de la célèbre femme de lettres Madame de Genlis. Ses relations avec le duc d’Orléans et ses idées libérales lui valurent d’être élu en 1789 député suppléant de la noblesse aux Etats Généraux par la ville de Paris. En 1790, il est maréchal de camp dans la fameuse armée du Rhin. Il s’illustre à Valmy. Il est général en chef de l’armée des Ardennes en octobre 1792. Mais désapprouvant les excès de la révolution il doit démissionner puis fuir et se réfugier en Amérique puis dans le Holstein. Le premier Consul le fait rentrer en 1803 en qualité de Sénateur de la Haute Marne puis l’engage dans les guerres de l’Empire. Secrétaire du Sénat conservateur le 1er avril 1814, il signe la déchéance de Napoléon Ier. Il est nommé par Louis XVIII Pair de France le 4 juin 1814. Il est inscrit à la matricule du SCDF sous le N°8 et a été agrégé en qualité de membre actif du Suprême Conseil dès le 20 octobre 1804. Il sera, en 1821, le principal contributeur de la renaissance du Suprême Conseil après les quelques années difficiles résultant des actions malheureuses du G.O.D.F. à son égard.

[4] Assume également les fonctions de Chancelier et de Garde des sceaux

[5] Assume également les fonctions de Chancelier et de Garde des sceaux

[6] Claude-Antoine-Gabriel de Choiseul, duc de Choiseul-Stainville (1760-1838), pair de France, Major général de la Garde Nationale, Maire d’Honécourt, Conseiller général des Vosges.

[7]  Jean-Pons Guillaume VIENNET est né à Béziers, le 18 novembre 1777 et décédé au Val-Saint –Germain le 10 juillet 1868. Il est inscrit sous le N°523 à la matricule du SCDF. Nommé 33e le 20 janvier 1826, il est agrégé en qualité de membre actif du Suprême Conseil le 20 octobre 1826 et Secrétaire supplétif du Saint Empire avec de FERNIG, Secrétaire du Saint Empire en 1840, Lieutenant Grand Commandeur en 1848, enfin Grand Commandeur – Grand Maître du 24 octobre 1860 au 10 juillet 1868. Il fut officier d’artillerie de marine, prisonnier de guerre à Plymouth pendant huit mois en 1797, puis à Leipsick en 1813, il prit sa retraite comme lieutenant-colonel ; l’indépendance de ses idées l’avait fait rayer des cadres de l’armée en 1829 : il joua un rôle politique comme député de Béziers en 1830 et comme pair de France sous Louis-Philippe. Lauréat des Jeux floraux, il publia des poésies, des fables et des romans, fit représenter des tragédies, collabora au Constitutionnel et au Journal de Paris. Élu à l’Académie Française le 18 novembre 1830 contre Benjamin Constant, en remplacement de Louis-Philippe de Ségur au fauteuil 22, il s’était retiré l’année précédente devant Lamartine. Il fut reçu par François-Auguste Parseval-Grandmaison le 5 mai 1831 et fit partie de la Commission du Dictionnaire. Il était commandeur de la Légion d’Honneur, chevalier de Saint-Louis et décoré de la médaille de Sainte-Hélène.

[8] Jacques Simon, R.E.A.A., Rituel des trois premiers degrés selon les anciens cahiers, 5829, Editions de la Hutte, 2013.

[9] Ce rituel, un des premiers imprimés, a déjà été présenté plus haut. Les différents auteurs situent sa publication entre 1806 (Claude Gagnes) et 1820 (Pierre Noël) voire 1821 (Guy Verval), bien qu’on puisse estimer sa rédaction bien antérieure et pour le positionner en rival du « Régulateur du maçon » édité en 1801 pour le Rite Français du Grand Orient de France.

[10] Le général marquis de LAFAYETTE (1757 – 1834), 33e,  Souverain Grand Inspecteur Général au sein de la juridiction du Suprême Conseil pour la France, est considéré comme un acteur politique majeur de cette période. Il se tient d’ailleurs auprès de Louis Philippe 1er, nouveau « Roi des français », sur le balcon de l’Hôtel de ville le 30 juillet 1830. Le général LAFAYETTE est un maçon écossais. Il a été consacré 33e le 15 août 1824 lors de son dernier voyage aux Etats-Unis d’Amérique, et nommé Souverain Grand Commandeur d’honneur du Suprême Conseil (dit de Cerneau) de la juridiction nord des Etats-Unis.

[11] Ce traité est imprimé en quatre langues : Français, Anglais, Espagnol, Portugais. A la suite du traité sont publiés in extenso les Grandes Constitutions de 1786 et les Statuts de l’Ordre

[12] Le Suprême Conseil Uni de l’Hémisphère Occidental résulte de l’union, le 5 avril 1832, entre le Suprême conseil de Etats-Unis d’Amérique (Grand Commandeur : Très Illustre Frère Elias HICKS, ) et le Suprême Conseil de l’Amérique Méridionale (La Terre ferme, l’Amérique méridionale, le Mexique,.. de l’une à l’autre mer, etc,…les Iles Canaries, Porto-Rico, etc..), fondé sur les débris du système CERNEAU (Grand Commandeur : Très Illustre Frère Comte de SAINT LAURENT, 1774-1857).

[13] Armand Charles GUILLEMINOT (1774-1840), général de division qui se couvrit de gloire en Autriche, en Espagne et surtout pendant la campagne de Russie lors de la bataille de la Moskova. Il fut admis au Suprême Conseil le 7 mai 1821 et aussitôt nommé Grand Porte Etendard, fonction qu’il occupa jusqu’au moment où il fut appelé à l’ambassade de Constantinople. Maintenu en position de membre honoraire, il « réintégrera » le Suprême Conseil en 1838, en qualité de Lieutenant Grand Commandeur. Il était le beau-frère du Comte de FERNIG.

[14] On se souvient que le comte Elie DECAZES, pair de France, ministre de la police générale, avait accepté le 15 septembre 1818 la fonction « pro tempore » de Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil d’Amérique sur proposition de GRASSE-TILLY, démissionnaire. Secondé par le Général comte Louis de FERNIG, il se consacra à la réunification de la famille écossaise et à la reconstitution du Suprême Conseil de France  autour des dignitaires des deux obédiences. Il s’effacera en avril 1821 pour laisser la place au général comte de VALENCE, ancien Grand Conservateur du G.O.D.F. et ancien lieutenant Grand Commandeur du Suprême conseil de France, tandis que l’honorariat sera conféré à l’ancien Grand Commandeur CAMBACÉRÈS.

[15]  BNF Sup cons 17 : le médecin Louis Théodore JUGE est né le 18 avril 1803 à Tulle. Il a été inscrit à la matricule u S.C.D.F. sous le N° 2107, et a été nommé 30e degré le 15 juin 1830.

[16] Le Globe, archives des initiations anciennes et modernes, tome deuxième, deuxième année, 1840, p. 36

[17]  Suprême Conseil pour la France et ses dépendances, Fête de l’ordre au solstice d’été et installation du T\P\ Lieutenant Grand Commandeur, 29 juin 1841, Procès verbal de la Fête de l’Ordre, p. 17

[18]  Revue maçonnique, 1843, tome VI, Célébration de la fête de l’Ordre au solstice d’hiver (1842), p. 83

[19] La Revue maçonnique, 1845, p. 265-276

[20]  Philippe DUPIN, Ministre d’Etat-Grand Orateur du Suprême Conseil, dont le talent est reconnu de tous, décèdera prématurément quelques mois plus tard, le 14 février 1846 à l’âge de 49 ans

[21]  Pierre Chevalier, Histoire de la Franc-Maçonnerie Française, tome 2, p.309

[22]  Les principales caractéristiques de cette nouvelle Grande Loge Nationale  sont les suivantes : plus d’antagonisme de rites, plus d’antagonisme d’Obédiences, plus de Hauts Grades, plus d’appellations emphatiques et creuses, plus de Suprême Conseil de France, plus de Grand Orient de France, plus de puissance de Misraïm en France, « plus de rites en 7, en 33, en 90 degrés se faisant la guerre et s’anathématisant les uns les autres, mais un rite simple, raisonnable qui réunisse à lui les enseignements utiles et qui fasse raison enfin des non-sens, des absurdités révoltantes, des guerres perpétuelles qu’ont importées chez nous tous ces brillants hochets ».

[23]  L’Ordre du préfet de police exige que la grande Loge Nationale ainsi que les ateliers de sa correspondance cessent de se réunir dans un local quelconque à partir du 15 courant et cela parce qu’elle ne relève ni du Grand Orient ni du Suprême Conseil, qui, eu égard à leur ancienneté continueront à être tolérés, et parce que l’article 6 de sa constitution dit : « Il est expressément interdit en maçonnerie de traiter toute question politique ou religieuse, de nature à irriter les esprits, et, par conséquent, à porter atteinte à l’institution toute de tolérance et de fraternité, ce qui, cependant, n’exclut en rien l’étude des questions sociales. » Ce qui signifie pour l’autorité que  la Grande Loge  Nationale serait une société politique. Une lettre de protestation contre cette décision du préfet de police est publiée dans la Revue Maçonnique, tome XIV, année 1851, p.48-51. Elle est datée du 10 janvier 1851 et signée des Officiers élus de la Grande Loge Nationale de France (le Vén\ de la Grande Loge Nationale et de celle des Trinitaires, du Planty, docteur médecin, maire de Saint-Ouen ; le premier Surveillant, général Jorry, fondateur de plusieurs loges en province et à Paris ; le deuxième Surveillant, Floury, capitaine en retraite ; l’orateur titulaire, Desrivières, docteur médecin ; le secrétaire général, Humbert, homme de lettres ; Vanderheym père, négociant en diamants, l’un des fondateurs de la Grande-Loge Nationale.

[24] Il aurait été initié en Autriche à l’âge de dix-huit ans dans le château de Frohsdorf par des officiers amis de son père Joachim, roi de Naples, réunis en Loge sauvage.

[25]  BNF Sup cons 17 : Le notaire Jean-Baptiste GUIFFREY est né le 19 novembre 1793 à Saint-Didier-au-Mont-d’Or et décédé à Paris (10e)

le 8 mai 1865. Il est inscrit à la matricule du SCDF sous le N°370, nommé 33e et agrégé comme membre actif du Suprême Conseil le 15 décembre 1825.

[26]  Selon plusieurs historiens de la maçonnerie, le maréchal Magnan aurait été initié le jour même du décret et dans les jours qui suivent, il aurait reçu tous les degrés jusqu’au 33e du R.E.A.A.